FUJI : la frousse aux trousses
Dans un océan de jeux aux mécaniques similaires, où cubes en bois côtoient meeples et jetons divers et variés, émerge parfois une perle. Au premier abord, c’est une boîte parmi d’autres sur l’étal mais, allez savoir pourquoi, ses couleurs, sa forme puis son nom retiennent notre attention. Souvent, ce sursaut d’intérêt s’éteint lorsque, à la lecture de son dos, on réalise que la promesse de nouveauté n’est finalement pas là. Et puis, parfois, c’est le coup de foudre. On mord à l’hameçon et on sort de notre boutique préférée avec l’espoir fou qu’on tient sous le bras LE jeu qu’on ressortira désormais à chaque occasion pendant nos soirées entre amis (ou tout au moins nos après-midis, surtout quand les amis en question sont jeunes parents).
Fuji est de ceux-là.
Selon l’adage, « c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes » (coucou mamie), il n’est donc pas nécessaire de réinventer la roue pour créer un jeu aux mécaniques originales et rafraîchissantes. Le désopilant Pit, par exemple, est un jeu des 7 familles amélioré quand l’excellent Kingdomino (dont nous vous parlerons prochainement) revisite avec brio les dominos. Fuji, lui, a jeté son dévolu sur… le yahtzee (ou yam’s).
Le pitch donne déjà envie de partir à l’aventure. Vous jouez une équipe d’aventuriers lancée à l’assaut du mont Fuji qui, pas de bol, se fait surprendre par l’éruption du volcan. Vous allez devoir prendre vos jambes à votre cou et vous mettre à l’abri au village avant que la lave ne vous atteigne. Le titre est 100% coop : si un seul des membres de votre escouade se fait rattraper, c’est toute l’équipe qui perd. Il faudra donc veiller à ne laisser personne derrière pendant votre fuite effrénée.
Le plateau est construit à partir de différentes cartes sur la base d’un plan défini en début de partie. A une extrémité se trouve le volcan, dont la lave coulera dans votre direction tour après tour. A l’autre bout se trouve le village, que chacun d’entre vous doit rejoindre pour gagner la partie. C’est là que le yahtzee entre en jeu, restez concentré.
Pour se déplacer d’une carte à une autre, les joueurs doivent obtenir le meilleur résultat aux dés en fonction des objectifs indiqués sur la carte où ils souhaitent se rendre.
Dans le détail, chaque joueur reçoit 5 ou 6 dés en fonction du personnage qu’il a choisi en début de partie. Leurs faces vont de 1 à 6 et peuvent être bleues, roses ou jaunes.
Au début du tour, les joueurs jettent leurs dés en même temps, derrière un écran personnel qui masque les résultats de leur lancer. En fonction de ce premier résultat, ils déterminent la carte de destination pour laquelle ils ont le plus de chance de faire le score le plus élevé. Celle-ci doit être située à trois cartes tout au plus de la carte où ils se trouvent. Bien sûr, ils peuvent aussi choisir de rester où ils sont.
Par exemple, si un joueur souhaite envoyer son pion sur la carte ci-dessus, il devra faire le meilleur score possible en additionnant les faces de ses dés montrant un 5 ou une face rose. Concrètement, imaginons qu’il ait obtenu un 2 et un 4 jaunes, un 5 bleu et un 2, un 5 et un 6 roses. Son score s’élève alors à 18. Là où ça se complique, c’est qu’il doit impérativement obtenir un meilleur résultat que tous les autres autour de la table sur ce même objectif pour avoir le droit d’avancer. Là où ça se complique encore, c’est que les joueurs n’ont aucunement le droit de communiquer sur leurs résultats, hormis en donnant de vagues indications comme par exemple « j’ai fait un bon tirage sur la carte qui t’intéresse » ou « je ne devrais pas te gêner ». Il faut donc être sûr de soi, car si un autre membre de l’expédition obtient plus ou autant que vous sur votre objectif, vous devez rester sur place et prendre des points de dégâts (car un bonheur n’arrive jamais seul). Pour vous aider dans cette entreprise périlleuse, vous aurez heureusement le droit de relancer une ou plusieurs fois vos dés (sous conditions) et aurez accès à des compétences choisies en début de partie.
A chaque tour, la lave grignotera les cartes adjacentes. Pour ne rien gâcher, le fait de franchir certaines cartes la feront avancer deux fois au lieu d’une. Attention donc à ne pas se précipiter, sous peine d’envoyer les traînards vers une mort certaine. Serrez-vous les coudes, veillez les uns sur les autres et… croisez les doigts pour que la chance soit avec vous.
L’avis de Eliwenn
A la première lecture des règles, j’avoue m’être dit que le jeu était complexe et la victoire difficile à décrocher, surtout à 4. Il n’en est rien. Fuji est bien équilibré, les règles sont finalement comprises après un petit tour de chauffe et nous sommes parvenus à vaincre la lave autant de fois à 4 qu’à 2. L’essentiel est de bien exploiter les pouvoirs de chacun et de prendre le temps d’analyser la situation. Fuji est d’ailleurs le rêve (ou le cauchemar, c’est selon) des amateurs de probabilités, qui ne pourront s’empêcher de calculer les risques et les chances de chaque lancer. Pour les allergiques aux mathématiques comme moi, un peu de bon sens fera l’affaire !
Un mot tout de même pour ceux qui souhaiteraient jouer à 2 joueurs : si Fuji propose quelques ajustements en fonction du nombre de participants, il n’offre pas de véritables règles en duo. Il s’agit en fait de simuler un troisième joueur, soit en lançant la moitié de ses dès à découvert et l’autre moitié derrière un écran, soit en partageant ses dés entre les deux joueurs. Ce n’est donc pas l’idéal et c’est véritablement à trois ou quatre que le jeu tourne le mieux.
Enfin, mention spéciale pour la direction artistique ! Les illustrations sont magnifiques et nous immergent avec brio dans cette jungle engloutie peu à peu par la colère du mont Fuji…
L’avis de Foine
Fuji fait partie de ces jeux un peu particuliers pour lesquels, lorsque l’on explique les règles, les gens vous regarde dubitatifs sans avoir compris. Puis dès que l’on se met à jouer, tout s’éclaire. Le jeu est en fait extrêmement simple à comprendre. En revanche, il n’est pas simple de l’emporter. Certains joueurs calculerons le score moyen à obtenir pour chaque destination, tandis que d’autre iront « au feeling ». Car c’est évidemment le secret et la nécessité de coopération à l’aveugle qui donne tout son sel au jeu. Et contrairement à certains jeux coopératifs dans lesquels des joueurs peuvent prendre l’ascendant sur les autres et les empêcher de prendre des décisions, ici vous êtes contraint de voyager main dans la main.
C’est cette facilité d’apprentissage, cette complexité dans la complétion et cette obligation de coopération qui font de Fuji, à mes yeux, un des tous meilleurs jeux auxquels j’ai joué ces derniers temps.
Si vous cherchiez un titre un peu plus complexe qu’un « jeu apéro » mais qui ne laisse personne derrière, Fuji est une valeur sure.
No Comment